Peur d’être une femme.

« Souffle, sers les dents/ Comme d’hab tu te tais/ Souffle, sois prudente/ Marche sur le trottoir d’à côté/ T’es une pouf, c’est devenu courant/ De l’entendre trois fois par journée/ « T’as un num? »»

 

Dans sa chanson  « SLT », la chanteuse française Suzane témoigne du harcèlement moral et physique que peuvent subir les femmes et les jeunes filles au quotidien. En effet, elles sont  victimes de comportements déplacés dans les établissements scolaires, dans la rue et les transports en commun, au sein de la famille ou des relations sociales.

 

Cette peur constante que peuvent ressentir les femmes provient de la pression sociale exercée dans tous les domaines. Comment s’habiller ? Comment se comporter ? Quelle place prendre dans un espace ? La socialisation différentielle selon le genre attribue aux différentes catégories des normes, des valeurs, des comportements et des pratiques opposées. Dès l’enfance, on apprend aux filles à être sages, douces, sensibles, un peu naïves. Elles sont formatées selon des schémas anciens : une étude de 2017 de l’université de Fribourg en Suisse montre que les adolescentes adhèrent de manière souvent inconsciente aux stéréotypes de genre et font souvent des choix d’orientations et de carrières qui correspondent aux normes sociales afin d’être mieux acceptées par leurs pairs et la société. Elles se dirigent vers des schémas traditionnels de femmes à temps partiel avec un mari qui assume les besoins de la famille.

 

« Ces cases dans lesquelles la société veut nous faire rentrer, je ne les ai jamais comprises J’ai toujours aimé jouer aux jeux ou faire des sports “de garçon”. Il y a environ deux ans, j’ai eu envie de me couper les cheveux très courts, j’ai choisi de porter des vêtements plus masculins : des joggings, des baskets aux couleurs plus sombres donc souvent “plus attribuées aux garçons” et j’ai voulu faire des sports comme le judo, le basket et plus récemment le hockey sur glace. […] Ma sœur, elle, est féminine et fait très attention à son image. J’ai vu de quelle manière les hommes la regardaient, les remarques ou les phrases de drague dont elle a été victime dans la rue. Ça ne me plaisait pas pour elle et moi non plus je ne voulais pas avoir peur de montrer mes formes. En ressemblant plus à un garçon, je pense que j’évite toute cette violence que peuvent subir les autres jeunes filles de mon âge. » L.

 

La situation dans les transports en commun illustre aussi ces pressions que peuvent vivre les femmes comme les jeunes filles. Le « manspreading » est un concept développé par des féministes américaines pour désigner une posture adoptée par certains hommes dans les métros, consistant à s’asseoir en écartant les cuisses et en occupant alors plus que la largeur d’un siège. Le terme peut se traduire en français par « étalement masculin ». Il s’oppose à la pratique du « womancrossing » qui est une tendance féminine qui consiste à croiser les jambes assises dans des lieux publics. Hommes et femmes n’occupent donc pas également l’espace. La question de la mixité dans les transports peut alors être débattue : depuis 2005 à Tokyo, des rames de trains sont dévolues aux femmes pour éviter le  « chikan », les attouchements sur des personnes non-consentantes ; à l’inverse, durant la grève début décembre 2019, la SNCF a dû démentir l’information provenant des réseaux sociaux selon laquelle des rames du RER B auraient été réservé aux femmes. Par ailleurs, dans un rapport du gouvernement français sur le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en communs, 100% des utilisatrices des transports en commun ont affirmé avoir été, au moins une fois dans leur vie, victimes de harcèlement sexiste ou d’agressions sexuelles. Les jeunes femmes sont particulièrement concernées : dans plus de 50% des cas, la première agression intervient avant 18 ans.

 

En effet, les jeunes filles sont victimes d’agressions morales et physiques de plus en plus jeunes. Léa (prénom modifié), 15 ans témoigne : « Un jour de vacances, je suis allée à la piscine avec deux copines. Dès notre arrivée, on a repéré un groupe d’environ dix garçons de 17 à 20 ans. Ils abordaient les filles, leur demandaient des massages ou leur numéro. Ils voulaient se faire remarquer. Au début, ils ont juste demandé le numéro de ma copine, elle a refusé. Une heure après, on était toutes les trois dans l’angle du petit bassin et une de nous était assise sur le bord. Tout à coup, cinq ou six garçons de ce groupe se sont rapprochés de nous et nous ont encerclées sans qu’il n’y ait d’issues pour sortir. Ils ont commencé à nous parler agressivement pour savoir pourquoi ma copine n’avait pas voulu donner son numéro ; ils essayaient de nous mettre la pression. Elle, elle était intimidée et n’osait pas répondre ; ils lui faisaient peur, et en jouaient. Aucune de nous ne parlait. Ils nous ont traitées de “bouffonnes”. Un des garçons nous a même lancé de l’eau au visage.  On a fini par réussir à sortir. On a dû changer nos serviettes d’endroit parce qu’ils savaient où on était. On est parties plus tôt parce qu’on a vraiment eu très peur. » Léa (prénom modifié)

 

Les femmes plus âgées ne sont pas épargnées pour autant.

« Alors que plusieurs de mes copines trouvent ça flatteur que les hommes les abordent ou les sifflent dans la rue, je trouve ça dégradant, avilissant.

Lors d’une soirée, mes amis s’étaient éloignés et j’étais seule sur la piste de danse. Soudain, un jeune homme arrive vers moi et s’approche de plus en plus. Il a avait bu et fumé mais j’ai bien vu qu’il n’était pas si menaçant. J’ai d’abord eu le réflexe de penser à faire un mouvement de recul mais j’ai décidé que ce serait à lui de s’écarter physiquement et pas à moi. J’ai alors mobilisé tout mon courage pour le mettre à distance en éloignant son torse avec ma main. Ça m’a fait vachement de bien qu’il ne pénètre pas dans ma zone. En tant que femme tu te dois d’évaluer le danger. »  Céline, 47 ans.

 

Dangers et peurs que les femmes peuvent parvenir à surmonter en libérant leur parole comme au sein d’associations telles que « Accueil Femmes Solidarité » de Nice.

Murielle, conseillère d’accueil à l’association explique : « Je reçois les appels et suis à l’écoute des femmes battues au sein du couple. Ces violences touchent tous les quartiers de la ville, les femmes de tous âges, toutes religions, cultures, et milieux sociaux. »

Les femmes victimes de violences conjugales ont principalement peur que ce cauchemar recommence quotidiennement en restant au domicile qu’elles partagent avec leur conjoint. Cependant, quitter leur compagnon sous-entend cumuler des difficultés liées à l’engagement dans une nouvelle vie et pire, risquer de perdre la garde des enfants. « On leur dit qu’il existe des solutions et qu’il ne faut pas perdre courage. » L’association prend en charge ces femmes et les aide dans les démarches administratives, mais aussi juridiquement, médicalement et psychologiquement. « On travaille avec des avocats, des médecins, des assistantes sociales et des psychologues. On organise aussi des ateliers pour redonner confiance en soi. »

 

En définitive, la peur dans laquelle peuvent vivre les femmes et les jeunes filles peut être présente dès le plus jeune âge. Si par ailleurs, en parler à un membre de la famille, un proche, une personne de son entourage professionnel, ne suffit pas, alors il existe un numéro téléphonique d’écoute à destination des femmes victimes de tous types de violences : le 3919  « Violences Femmes info ». Il propose une écoute, une information et une orientation adaptée vers des dispositifs d’accompagnements et de prise en charge ; tout ceci anonymement et gratuitement. Alors n’hésitons plus, ne soyons plus « flippées » et brisons le silence.

 

Contact association « Accueil Femmes Solidarité » :

E-mail : accueilfemmesbattues@hotmail.com

TEL : 04 93 52 17 81

 

Mathilde Haÿ T4