
Les maths, Parcoursup, et la « Réussite ».
Le lycée pour les jeunes, c’est beaucoup de chose.
Le monde politique, vers lequel ils sont plus ou moins progressivement poussés, semble prendre toujours plus d’ampleur, ils sont harcelés de toutes parts à coup de responsabilités, tantôt citoyennes, tantôt scolaires, tantôt privées, toujours individuelles… C’est bien assez, dirons-nous, si ça n’avait pas toujours été l’implacable rite de passage subi par les jeunes vers l’« âge adulte ». Peut-être, est-ce ainsi, parce que dans un monde où tout s’accélère et s’énerve, on n’avait pas pensé depuis Parcoursup à institutionnaliser une nouvelle pression sur la jeunesse que la réforme fut pensée ; peut-être, est-ce parce que, quand tout s’excite et s’alourdit pour les adultes, ceux-ci ont eu le sentiment que les jeunes, pas encore concernés se laissaient aller, qu’elle fut actée.
Mais c’est là du mauvais esprit, car force est d’avouer qu’en 2025 les figures influentes de France ont mieux à faire que de se laisser aller à des enfantillages mesquines. En dehors du champ politique, tout du moins.
En effet, ce n’est que pour « revaloriser la place des mathématiques dans la scolarité des élèves afin qu’ils en maîtrisent les compétences fondamentales et les automatismes » que fut avancé le « bac de maths » de la terminale à la fin de la 1ere, pour tous les élèves des filières générales et technologiques. Cette réforme, appuyée par des modifications dans les programmes de mathématiques énoncés par le Ministère de l’Education Nationale et qui ne sera véritablement testée qu’en juin 2026 n’a pas encore eut l’occasion de faire ses preuves, mais s’avance comme moyen d’atteindre plusieurs objectifs.
1. « Maîtrise des compétences fondamentales et des automatismes »*
L’avancement de l’épreuve permettrait une meilleure maîtrise des compétences de base en mathématiques par tout les élèves. Ce qui est concrètement incorrect : ce bénéfice ne saurait émerger qu’avec un effet levier de tout le système éducatif : programmes, formations, enseignements… des aménagements en profondeur à refaire qui devraient s’étaler sur des années de préparations des élèves. L’épreuve ne saurait révéler de meilleurs résultats sans qu’aient été au préalable réglés les problèmes d’inégalités territoriales, du manque de formation, d’hétérogénéité des classes… tant de problématiques intouchées à l’heure où l’Education Nationale peine à recruter, à financer, à supporter ses élèves comme ses enseignants.
2. « Le priorité pour la ministre d’État est de redonner aux élèves le goût des mathématiques en valorisant leurs efforts. C’est un levier majeur pour leur réussite et leur avenir. »*
Se pose alors la question. Le goût des mathématiques est-il indissociable du modèle la réussite scolaire et professionnelle ? Ou doit-il forcément y contribuer, quand bien même l’élève se dirige vers un profil littéraire ou artistique ? La réussite dans de nombreux domaines, tels que l’art, la communication, les sciences humaines ou sociales, le droit, l’hôtellerie, le tourisme, la gastronomie, l’artisanat, l’esthétique, ne nécessite pas ou peu de réussite en maths. De la logique, bien sûr, et un niveau adapté pour certaines branches spécifiques de ces disciplines. Mais ces métiers reconnus et indispensables par et pour la société sont des contre-exemples de la qualité de ‘levier majeur’ incarné par les mathématiques pures du milieu scolaire, et remettent en question la considération de la ‘réussite’ évoquée par la réforme.
3. « cette nouvelle épreuve de mathématiques valorisera les acquis des élèves »… « dont les résultats seront intégrés à leur dossier Parcoursup pour leur accès à l’Enseignement supérieur »*
Deux citations liées qui amènent un autre problème, depuis sont introduction au système : Parcoursup. En 2018, Le Figaro (“Parcoursup : un système moins contraignant mais plus sélectif”), relayait des intervenants notant que bien que le nouveau système permettait plus de liberté dans les vœux, les règles laissées aux universités pouvaient créer des critères très différenciés, opaques, d’où une inégalité selon l’origine géographique du candidat, ou les établissements de provenance. En 2025, selon un sondage CSA, seulement 34 % des lycéens jugent la procédure Parcoursup juste et équitable. En parallèle, 47 % jugent qu’elle manque de transparence.
Comment ne pas faire de lien ?
Parcoursup, à maintes reprise dénoncé comme un outil non d’orientation mais de sélection, est brandi comme finalité de cette réforme. Les 57 % de lycéens que stressait la plateforme en 2019 ont atteint les 83 % en 2025, et celle-ci est toujours présentée comme la meilleure garantie d’orientation satisfaisante pour la jeunesse de la société.
De même, les mathématiques, jusqu’à nouvel ordre source d’anxiété chez une partie des élèves de tous âges, source d’inégalités de sexe et de milieu social, sont encore présentées comme principale voie vers la réussite professionnelle et aisance sociale. L’épreuve avancée du baccalauréat de mathématiques, quand supposée « valorisantes », se moque des profils en difficultés, s’indigne et se désespère de ceux qui ne peuvent en tirer les profits attendus, quand bien même ils performent en contrepartie dans les métiers moins idéalisés mais tout aussi essentiels à la communauté.
Ne serait-il pas temps de changer de vocabulaire, et de laisser les jeunes axer leur réussite vers ce qui peut leur plaire ?
ElMnc
* : citations extraites du site du Ministère de l’Education.
