Ils occupent notre quotidien : à la radio, à la télévision, dans les kiosques, au CDI, sur internet… Et même sur Tik tok ! Beaucoup de français•se les boudent, ils servent souvent de boucs émissaires. Ils sont fréquemment la première cible des dictatures, et, derrière l’écran ou le papier, des hommes et des femmes risquent parfois leur vie pour nous informer. Bravo ! Il s’agit bien des médias. Au-delà de leur aspect anodin, ils sont fortement corrélés au bon fonctionnement de la démocratie : c’est le sujet de cet article. Mais avant de commencer, précisons ce que j’entends par médias : la presse écrite, imprimée ou en ligne (Le Monde, Courrier international, etc.) et les chaînes de radio (France Inter, RTL, etc.) et de télévision (France 2, BFMtv,etc.).
Le pluralisme de l’information
Cela vous a peut être échappé, mais lorsque vous allumez la télévision ou la radio, plusieurs points de vue et sensibilités politiques (droite, gauche, centre…) s’expriment dans les débats et émissions de politique. C’est le principe du pluralisme de l’information, édicté et contrôlé par l’Arcom (l’Autorité de Régulation de la Communication audiovisuelle et numérique, une sorte de « gendarme de l’audiovisuel ») qui s’applique aux chaînes de radio et de télévision. Pour la presse écrite ou numérique, c’est un peu différent : ils ne sont soumis à aucune obligation étant donné qu’ils peuvent être créés librement et en nombre infini, contrairement à la radio et la télévision. La pluralité d’orientation se retrouve automatiquement dans leur diversité. Par exemple : Valeurs actuelles et L’Humanité, des hebdomadaires orientés respectivement à droite et à gauche, font majoritairement intervenir des personnalités issues de leur camp respectif. Dans les deux cas, les médias donnent la parole à un maximum de sensibilités différentes et permettent donc au débat démocratique d’avoir lieu.
Un quatrième pouvoir ?
Dites-vous également que les médias, par leurs enquêtes et investigations, nous permettent de garder un contrôle sur nos élu•e•s. Ils peuvent en effet mettre en lumière de potentielles dérives autoritaires ou des détournements d’argent public, etc. Un exemple bien connu : Jérôme Cahuzac (ministre du budget sous François Hollande) dont il sera révélé en 2012 par le journal en ligne Mediapart qu’il détenait un compte bancaire non déclaré en Suisse, ce qui constitue un délit de fraude fiscale. Cette affaire, révélée et relayée de bout en bout par des médias (voir les sources à la fin de cet article), entraînera sa démission du gouvernement et le mènera à une condamnation de prison ferme par la justice.
Ainsi, dans la mesure où les médias peuvent mettre en péril la carrière politique de nos représentant•e•s en révélant les affaires qui les concerneraient, ceux-ci sont incité•e•s à respecter les lois de la République et à tenir leurs promesses de campagne. Les médias, selon certain•e•s analystes, s’ajoutent aux trois pouvoirs démocratiques (législatif, exécutif et judiciaire) pour créer le « quatrième pouvoir ».
Le porte-voix de ceux qui n’en n’ont pas
Dans l’actualité médiatique récente, nous avons vu des photos, lu ou entendu des témoignages et des enquêtes sur les actes terroristes commis par le Hamas le 7 octobre 2024 puis sur les attaques militaires d’Israël contre la population civile de Gaza. Les médias ont également divulgué et relayé des informations sur les persécutions (surveillance, torture, stérilisations forcées…) commises par le gouvernement chinois à l’égard des Ouïgours, une minorité de culture musulmane. Pour en revenir à notre sujet : de manière générale, le respect de l’être humain est au coeur des régimes démocratiques. Donc, là aussi les médias entretiennent un étroit lien avec la démocratie, dans la mesure où ils peuvent révéler et donc contribuer à lutter contre les atteintes aux droits humains fondamentaux (droit de s’exprimer, de vivre dignement) et notamment les persécutions contre les minorités.
Des citoyens libres et éclairés
Cela paraît évident : les médias ont la charge de relater l’actualité et les évènements divers, de décrypter les sujets économiques, culturels etc. Bref, ils nous informent à travers par exemple les journaux télévisées quotidiens sur de nombreuses chaînes : le JT national de 20h sur France 2 ou TF1, ou bien le 19h45 d’Arte, plus ouvert sur l’international. Cette information – qui ne sera jamais totalement neutre, mais doit être objective et indépendante – permet aux citoyen•e•s de prendre des décisions libres et éclairées lors de processus démocratiques comme les votes.
Une réalité à nuancer
Bien sûr, le rôle démocratique des médias doit être nuancé. Les médias sont certes indispensables à une démocratie, comme expliqué plus haut, mais la démocratie est tout aussi indispensable aux médias pour mener à bien leurs missions. Car les nombreux avantages des médias énoncés en première partie ne vont pas de soi. Pour les garantir, la démocratie doit assurer la liberté d’expression la plus large possible, la liberté d’informer pour les journalistes (c’est-à-dire de traiter les sujets qu’ils veulent sous l’angle d’approche qu’ils veulent tant que ce n’est pas mensonger) mais aussi, et surtout, le droit pour tous•tes d’être informé•es par des médias indépendants financièrement. Cela se fait notamment en évitant qu’une seule personne (morale ou physique) possède et donc contrôle trop de médias – afin d’assurer la pluralité des points de vue. Et aussi en limitant les intérêts financiers qui peuvent dissuader certains médias de diffuser des reportages aux audiences faibles (qui ne rapportent donc pas beaucoup de recettes publicitaires).
Bien sûr, la théorie n’est pas toujours la pratique : certains médias français sont traversés par une crise profonde et n’assurent donc pas leurs rôles fondamentaux. C’est ce que nous verrons dans la deuxième partie de cet article (à paraitre au prochain numéro) qui abordera les difficultés actuelles auxquelles est confrontée l’information…
A suivre dans le prochain numéro : Médias et démocratie, partie II
Maddie Le Briquer-Bonnassies
Sur l’affaire Cahuzac, vous pouvez lire :
Fraude fiscale : Jérôme Cahuzac condamné à quatre ans de prison, dont deux avec sursis. (2018, mai 15). https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/05/15/fraude-fiscale-jerome-cahuzac-condamne-a-4-ans-de-prison-dont-deux-avec-sursis_5299305_1653578.html
Le scandale Cahuzac, une affaire révélée de bout en bout par la presse. (2013, avril 2). L’Express. https://www.lexpress.fr/economie/le-scandale-cahuzac-une-affaire-revelee-de-bout-en-bout-par-la-presse_1236832.html
