Ne vous mettez pas la rate au court-bouillon si cette affaire n’a ni queue ni tête, mais tout ne peut pas être clair comme de l’eau de roche, ça coule de source ! Je vous conseille donc de garder votre sang froid car cet article n’est pas là pour enfiler des perles : il va vous donner du fil à retordre !
J’espère que cette petite mise en bouche vous a bien présenté le thème de cet article mais pas de panique ! La deuxième lecture se fera les doigts dans le nez ou plutôt haut la main car un homme averti en vaut deux.
Bref, passons.
Les expressions… Ces mots, ces phrases que nous employons à chaque instant et qui pourtant n’ont aucun sens. D’où viennent-ils ? Et est-ce que la façon dont nous les employons respecte vraiment leur signification d’origine ?
L’Actu made in Dumont a vérifié ça pour vous !
Tout d’abord, il faut savoir que les expressions ne sont pas forcément des proverbes, c’est-à-dire qu’elles ne reflètent pas forcément la réalité ou du moins qu’elles n’ont pas comme origine un événement réel.
D’après le CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales), les proverbes ont tendance à exprimer une « vérité d’expérience » ou encore un « conseil de sagesse ». Exemple célèbre : « Qui fait le malin tombe dans le ravin ».
L’expression quant à elle, ne donnera pas forcément un bon conseil. Par exemple, on utilise la phrase “tu vas au fraises” pour dire à quelqu’un que l’habit qu’il porte est trop court. Pourtant, nous ne lui aurions jamais conseillé d’aller cueillir des fraises pour arranger sa situation. Mais c’est comme ça. Par contre, une expression peut, et c’est d’ailleurs très fréquent, être employée avec une plus ou moins grosse louche d’humour. Par exemple, il y a l’expression “faut pas pousser mémé dans les orties” qui signifie “il ne faut pas exagérer”. On reconnaît bien ici une intention ironique voire un tantinet sarcastique, puisqu’il est très peu répandu de pousser sa grand-mère (enfin je l’espère), et encore moins dans des plantes aussi urticantes que les orties.
Certaines expressions les plus célèbres sont protégées par une législation internationale visant à garantir la richesse culturelle de chaque État et donc leur diversité. Elles sont en général issues des milieux artistiques tels que le théâtre, le cinéma ou encore la littérature. Selon le site officiel de l’UNESCO, les expressions culturelles résultent de la “créativité des individus, des groupes et des sociétés, et ont un contenu culturel”. Certaines expressions locales reçoivent le statut de patrimoine mondial immatériel, conféré par l’UNESCO. On retrouve par exemple « la baguette » française inscrite il y a peu de temps en tant qu’expression culturelle traditionnelle. Depuis cette date, l’appellation de « baguette » mais aussi l’objet en lui-même sont mondialement reconnus et protégés.
Les expressions sont donc le produit d’une culture, qui peut être nationale ou locale. Les expressions nationales sont en France très nombreuses, à tel point qu’elles sont devenues essentielles à notre communication quotidienne. Selon un sondage effectué sur notre compte instagram @lactumadeindumont, vous êtes plus de 50% à en utiliser très fréquemment (détails en fin d’article).
Explications : certains faits ou émotions sont uniquement exprimés par le biais d’expressions. En effet, il arrive qu’on les trouve davantage aptes à décrire un événement ou une situation par rapport aux tournures de phrase ordinaires. Par exemple, “prendre la grosse tête”, “avoir les chevilles qui enflent” ou “se la péter” dans le langage familier, servent à décrire une personne ou un comportement prétentieux, immodeste. Dans ce cas là, ces expressions seront davantage utilisées par rapport à leur équivalent dans le dictionnaire ; c’est d’ailleurs facilement remarquable au quotidien. Ce phénomène peut être dû à l’évolution de la langue française au fil des années. De plus, les expressions sont le produit d’une habitude et d’une imitation. Cela signifie que l’environnement dans lequel on se trouve va influencer notre vocabulaire et notre façon de parler. Être au contact de personnes ayant des expressions particulières va entraîner une transmission de celles-ci dans notre propre habitude langagière.
Vous ne trouverez également pas les mêmes expressions dans le nord de la France que dans le Sud (ni les mêmes accents ou les mêmes manières de parler). Certains mots qui désignent pourtant la même chose seront différents ou même inexistants en fonction des régions : c’est ce qu’on appelle le patois. Ces mots ou expressions sont établis la plupart du temps par convention, c’est-à-dire par un accord moral entre les différents individus qui composent un groupe.
Voici un exemple, je dirais même l’exemple parfait, qui a fait débat des années durant : dit-on pain au chocolat ou chocolatine ? La question qui fâche…

Il en existe bien d’autres comme les termes carafe, cruche, broc ou pot d’eau qui, aussi différents soient-ils, caractérisent le même objet.
Toutes ces expressions amènent forcément un problème. Parfois quand vous vous exprimez, d’une façon naturelle pour vous, vos camarades vous reprennent car ils n’ont pas compris le sens de votre phrase. Ces doutes peuvent justement provenir d’une expression qui vous est propre et que votre entourage ne connaît donc pas forcément. Toujours dans le sondage de @lactumadeindumont, vous êtes 60% à avoir vos propres expressions (détails en fin d’article) ! Et oui, vous êtes bel et bien uniques. Beaucoup de personnes en font d’ailleurs l’expérience, notamment en cas de déménagement d’une région à l’autre, ce qui a été le cas pour moi-même. Je peux vous le garantir, on ne parle pas du tout le même langage à Toulon que dans le Nord ! Il m’est arrivé maintes et maintes fois de découvrir des mots qui m’étaient inconnus ou au contraire d’en apprendre à mes camarades. J’utilise notamment les termes « trisser » pour dire « éclabousser » ou encore « clencher », qui veut dire dans le nord-est de la France : « fermer la porte ». Par expérience, je vous conseille de ne pas employer ces mots à Toulon, ou vous risquerez de ne pas être compris. Une autre différence, subtile mais amusante, est la façon dont on qualifie nos déplacements. Ainsi, je dis par habitude « aller en courses » et « aller à l’essence ». Pourtant, une majorité de personnes dira plutôt : « aller faire les courses » ou « aller prendre de l’essence », ce qui est d’ailleurs grammaticalement plus correct.
Enfin, les expressions peuvent aussi être des tics du langage, c’est-à-dire des automatismes qui amènent à la répétition exagérée de mots ou de phrases. Les Français sont d’ailleurs mondialement reconnus pour avoir un nombre incalculable de tics de langage. Cette distinction fait l’objet de moqueries diverses auxquelles vous avez déjà sûrement été confronté. Par exemple : “Du Coup”, “genre”, “bref” ou même “deux s’condes” (attends un peu). Même au sein de certaines salles du Lycée Dumont d’Urville, on trouve une affiche humoristique qui se moque de l’utilisation incessante du mot “du coup”. Si vous la voyez pendant un de vos cours, vous penserez à cet article !
Vous l’aurez finalement compris, ou peut être pas, car je vous l’accorde, cet aspect de la langue française est assez fastidieux à analyser, les expressions sont d’une immense diversité. Voici donc un petit schéma qui récapitule ce que peuvent-être les expressions : (ce schéma est approximatif, il existe bien entendu des exceptions).

Prenons l’exemple de 5 expressions connues afin de terminer l’article en toute beauté ! Vous connaîtrez ainsi leur signification et leur origine ! De quoi frimer devant vos parents (se vanter).
- Être au bout du rouleau : Cette expression date du 14ème siècle. A cette époque, un “rôle” désigne un livre dont les feuilles sont enroulées autour d’un bâton. De la même manière, un petit livre porte le nom de “rôlet”. Ces livres sont majoritairement utilisés au cours de pièces de théâtre et comportent les répliques de chaque acteur. Ainsi, on dit que ceux-ci jouent un “rôle”. « Être au bout du rôlet” signifie donc dans les années 1300 : “être à la fin de son texte”. A partir du 17ème siècle, le sens de cette phrase évolue puisqu’on passe du registre théâtral au dialecte financier. En effet, depuis cette date, l’expression est fréquemment employée par les banquiers qui utilisent un rouleau de papier afin de ranger des pièces de monnaie. C’est ainsi que le “rôlet” est devenu le “rouleau”. Ici, “être au bout du rouleau” veut dire : “ne plus avoir d’argent”. Aujourd’hui, cette expression est devenue courante dans la langue française et elle permet dorénavant d’exprimer la fatigue, voire même l’épuisement. On déclare donc “je suis au bout du rouleau” pour en réalité dire “je suis exténué”.
- Poser un lapin : Il s’avère que cette expression est assez récente puisqu’elle est employée pour la première fois au 19ème siècle. A ses débuts, cette locution “se faire poser un lapin” qualifie “être déçu », “obtenir un résultat qui n’est pas à la hauteur de ses attentes” ou encore “s’être fait trompé” (mentir). Ensuite, “le poseur de lapin” devient celui qui ne paie pas sa part. Cette expression viendrait en fait des hommes qui partiraient d’une maison close sans payer ou qui ne viendraient pas du tout. De nos jours, cette expression s’est répandue et est désormais largement utilisée pour représenter l’absence d’une personne à un rendez-vous prévu. “Poser un lapin” indique maintenant le fait de ne pas aller à un rendez-vous ; faire attendre sans prévenir, souvent pour des rendez-vous amoureux (malheureusement, parfois on peut attendre très très longtemps).
- Être sur son 31 : C’est une expression souvent utilisée pour des dates importantes pendant lesquelles il faut se faire beau (réveillon, dîner galant…). Elle est donc très célèbre de nos jours et pourtant, son origine reste vague et difficilement identifiable. Les deux principales hypothèses la concernant sont les suivantes : Tout d’abord, cette expression peut faire référence au tissu de luxe nommé Trentain qui a donné lieu au nombre 31, après déformation de la langue. Depuis le 19ème siècle, la population “se met sur son 31” pour bien s’habiller mais pas forcément en Trentain !
Sinon, cette expression peut également provenir de Prusse (ancien empire allemand) car le 31 était pour les soldats une date importante. En effet, chaque 31 du mois, ils recevaient la visite de leur supérieur hiérarchique : un moment très important et pour lequel le soldat devait être propre sur lui. - Pédaler dans la choucroute : Comme son nom l’indique, cette expression est extraite du sport et plus particulièrement du cyclisme. Originaire des premiers tours de France au 20ème siècle, elle caractérise les coureurs peinant à finir l’étape. A cette époque, ces coureurs épuisés trouvaient refuge à l’intérieur des voitures balais afin de pouvoir arriver à la prochaine étape (en vie). Le terme “choucroute” provient donc d’une de ces voitures balais qui ventait une marque de choucroute (plat typique Alsacien). Les spectateurs ont donc inventé cette formule ironique afin de se moquer de ces coureurs ayant abandonné. Aujourd’hui l’expression “pédaler dans la choucroute” ou “pédaler dans la semoule” (il existe plusieurs variantes) désigne la difficulté à avancer, dans tous les sens du terme. Cela peut mettre en avant un obstacle qui empêche d’avancer comme si un coureur faisait du sur-place ou alors comme si une réflexion ne pouvait aboutir.
- Il y a belle lurette : Cette expression bien particulière vient tout droit de Bourgogne et est devenue connue à partir de la fin du 19ème siècle. Le terme “lurette” n’existe pas et n’a jamais existé. Il peut donc encore s’agir d’une modification langagière au cours du temps avec au départ “heurette” donnant lieu à “lurette”. Soit dit en passant, une “heurette” est une petite heure, c’est-à-dire un court temps, une courte période. Cette expression est devenue son exacte opposée en moins d’un siècle puisqu’elle signifiait au départ “il y a peu de temps” pour au final devenir “il y a longtemps”.
Et voilà ! Vous en saurez un peux plus sur les expressions.
Stanislas Vogt pour l’Actu made in Dumont
Si vous êtes passionné d’expressions et de culture francophone, je vous conseille un livre qui peut aussi faire office de dictionnaire des expressions françaises : 1000 Expressions Françaises, disponible en équivalence sous plusieurs éditions.
Sources :
https://fr.unesco.org/creativity/expressions-culturelles
https://www.rtl.fr/culture/culture-generale/d-ou-vient-l-expression-depuis-belle-lurette-7900040771
Sondages réalisés sur notre compte Instagram : @lactumadeindumont
- Sondage 1 (sur la fréquence d’utilisation des expressions) : 19 votants (10 « tout le temps » ; 9 « quelques fois » et 0 « jamais »)
- Sondage 2 (sur le caractère unique des expressions) : 15 votants (9 « oui » ; 6 « non »)
PS : on dit pain au chocolat pour ceux qui douteraient encore !
