Le film, adapté du roman Mickey 7 d’Ashton Edward, nous plonge dans un futur proche où la Terre est ravagée par les activités humaines. Dans ce contexte, une obscure organisation connue sous le nom de « La Compagnie », organise des expéditions spatiales dans le but de fonder une colonie sur la planète Niflheim. Mickey (Robert Pattinson) fait partie de l’aventure en tant qu’ « expendable », sorte de cobaye ré-imprimable après chacune de ses morts et ce, indéfiniment.
Comme nous pouvions nous y attendre de la part du réalisateur de Parasite1(2019) et de Snowpiercer : Le Transperceneige (2013), Mickey 17 propose une critique sociale et politique qui transparaît de plusieurs façons.
Tout d’abord, dans le personnage de Mickey, ouvrier jetable et réimprimable ad vitam aeternam2 conçu pour accomplir des tâches dangereuses sans rémunération (le rêve capitaliste). Cette déshumanisation s’illustre parfaitement dans l’utilisation des nombres pour désigner les Mickey(s): le nom de Mickey n’est dévoilé que lorsque ce système tombe, jusque-là il n’était qualifié que par son patronyme suivi d’un numéro, voir uniquement par son numéro, méthode classique de privation d’identité dans les régimes totalitaires à tendance fascisante.
Critique toute aussi explicite dans le personnage de Marshall (Mark Ruffalo), un homme politique déchu, businessman et va-t-en-guerre, qui n’est pas sans rappeler l’actuel locataire de la Maison-Blanche, mais aussi et surtout le milliardaire Elon Musk. En effet, Marshall agit comme un gourou totalitaire obsédé par la conquête spatiale et le transhumanisme. Enfin, c’est la colonisation, le rejet de l’inconnu et la destruction de l’environnement, illustrés par la volonté de Marshall d’éradiquer l’écosystème autochtone, qui sont pointés du doigt par le réalisateur.
Outre l’aspect social, le film bénéficie d’un excellent production design3, d’une photographie magnifique ainsi que d’une réalisation maîtrisée. La distribution est également excellente. Robert Pattinson joue très bien les différentes itérations de son personnage, ce qui est flagrant lorsque Mickey 17 et Mickey 18 apparaissent ensemble à l’écran. Mark Ruffalo et Toni Collette ont quant à eux un jeu déroutant, outrancier et caricatural, ce qui participe de la satire farcesque du capitalisme et du contexte politique états-unien actuel proposée par Bong Joon-ho.
Mickey 17 est certes un film qui amène à une réflexion sur l’éthique de la science (« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » écrivait Rabelais dans Gargantua), sur les dangers du populisme ainsi que sur le monde du travail capitaliste mais c’est aussi un film déroutant, de par le mélange des tons et le jeu parfois volontairement caricatural et outrancier. Signalons que le film est une director’s cut4 qui a reçu un accueil mitigé lors de la projection d’essai, contrairement à un autre montage réalisé par la Warner. Aussi, sans rejeter le montage de Bong Joon-ho, pourrions-nous souhaiter une double édition physique director’s cut et “Warner’s cut” afin de pouvoir comparer les deux versions et voir ce très bon film se muer en chef d’œuvre.
1. Palme d’Or à Cannes et lauréat de multiples Oscars
2. Loc. lat. : pour toujours, indéfiniment
3. Difficilement traduisible en français. Désigne l’ensemble des éléments visuels d’un film.
4. Montage final d’un film qui est approuvé par le réalisateur.

