Un classique pas si classique
Pandora and the Flying Dutchman est un objet cinématographique singulier. Réalisé par Albert Lewin en 1951, Pandora revisite le mythe du Hollandais volant, un navire fantôme condamné à errer sur les mers jusqu’à la fin des temps. Une légende qui est reprise ad rem[1] dans la saga Pirate des Caraïbes mais que le réalisateur choisit ici d’adapter en associant le destin du navire avec celui du marin lui-même Hendrick Van der Zee (interprété par James Mason[2]). Celui-ci est condamné à voguer sans but et ne peut faire escale que tous les dix ans, tant que la malédiction ne sera pas levée par l’amour d’une femme qui sera prête à mourir pour lui.
En 1930, l’année où se déroule le film, au terme de dix ans de navigation, Hendrick van der Zee jette l’ancre au large d’Esperanza, une ville espagnole fictive au toponyme ô combien évocateur : l’espérance, sans doute celle de Hendrick qui depuis des siècles cherche à se libérer de son fardeau. Toutefois, si ce fardeau est grand, un autre se greffera à lui en la personne de Pandora Reynolds (Ava Gardner), une chanteuse américaine à la vie sentimentale tumultueuse qui est fascinée par cet homme mystérieux. Lui voit en elle sa délivrance jusqu’à ce que l’amour qu’il éprouve pour elle le conduise à refuser son sacrifice, au détriment de son propre salut.
Pandora est un objet cinématographique singulier, singulier en 1951 et encore plus aujourd’hui. Albert Lewin a réalisé un film onirique, notamment grâce au décor d’Esperanza, véritable écrin qui présente au spectateur une Espagne fantasmée, presque hors du temps. Le Technicolor[3] caractéristique des années 1950 participe également de cette impression d’irréalité, les couleurs légèrement pastels donnent l’impression que le film est drapé dans un espace onirique, que cette histoire est un rêve, une fable, raconté en voice over[4] de narration, par un vieil archéologue. Cette narration semble par ailleurs distendre le temps ; en effet cette voix off rapporte alternativement des éléments au passé et au présent, rendant floue la frontière entre ce qui est et ce qui a été. Pandora and the Flying Dutchman est un rêve, et comme tout rêve, il est difficile de porter un jugement dessus. Cependant, la romance élément central de l’histoire, l’aspect onirique du film et l’interprétation toute en justesse des acteurs sont des éléments concrets qui me font affirmer que Pandora est un grand film. Pour le reste, il s’agit d’une œuvre fascinante, envoûtante, unique et méconnue. Un rêve dans lequel je vous invite à entrer. Pandora est disponible en blu ray et dvd chez Carlotta film.
Raphaël Demarco–Fraillon
[1] Locution latine signifiant : tel quel, à l’identique.
[2] Acteur britannique (1909-1984) qui a tourné pour de grands réalisateurs dont Joseph L. Mankiewicz (L’Affaire Cicéron, 1952)
[3] Procédé de colorisation des films mis au point en 1916.
[4] Voix off

