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La Ciamada Nissarda, une tradition niçoise indémodable

Le patrimoine niçois se caractérise par de nombreuses traditions toujours bien ancrées. Parmi elles, nous rencontrons depuis 1925, la Ciamada Nissarda, un groupe de chants et danses folkloriques caractérisé par des costumes et instruments traditionnels. Une jeune danseuse niçoise bien attachée à ces traditions répond à mes questions.

Groupe de la Ciamada Nissarda de Nice, source : https://www.laciamadanissarda.com/

 Chiara C. : Pouvez-vous vous présenter ?

Zhoé : Je m’appelle Zhoé et j’ai 11 ans.

C.C. : Qu’est-ce que la Ciamada Nissarda ?

Z. : La Ciamada Nissarda c’est une association créée en 1925 par Juan Nicola et qui a pour but de promouvoir les traditions niçoises à travers les disciplines artistiques comme le chant, le théâtre, la musique et la danse.

C. C. : Qu’est ce qui la rend unique comparée à d’autres groupes folkloriques de la région ?

Z. : C’est l’un des plus vieux groupes folkloriques français. Il se distingue aussi par sa modernité dans les costumes et les musiques qui ont été retravaillées à partir des bases authentiques mais réadaptées pour le groupe.

C. C. : Connaissez-vous l’origine de cette tradition ? Si oui quelle est-elle ?

Z. : L’origine de cette tradition est de perpétuer les chansons populaires et les costumes qui représentent deux métiers anciens emblématiques de la ville de Nice : le pêcheur et la bouquetière.

C. C. : Quelles en sont les caractéristiques ?

Z. : Le garçon est le pêcheur, métier ancestral et essentiel des villes côtières de la Méditerranée.

La fille est bouquetière, métier créé à la fin du XIXème pour servir la riche clientèle touristique qui se développait à Nice (et pour faire concurrence aux autres villes du sud comme Toulon).

C. C. : Quels sont les vêtements et instruments ?

Z. : Juan Nicola a choisi ces métiers-là pour se démarquer des autres groupes qui s’orientent traditionnellement vers des costumes « bourgeois » (plus huppés).

Le costume du pêcheur se compose d’un pantalon court (pour ne pas se mouiller les pieds), d’un chemisier blanc lacé d’un cordon rouge, d’un béret pour se protéger du soleil et d’une taïola (ceinture large) pour protéger les reins du dur travail.

Le costume de la bouquetière se compose d’une jupe rayée raccourcie, avec des jupons pour donner du volume lorsqu’elle tourne, d’un tablier et d’un châle brodés de fleurs qui rappellent son métier, d’un chemisier blanc orné de dentelles, d’une croix rappelant l’ordre des chevaliers de Malte, qui a beaucoup œuvré pour le développement de la ville et d’une capelline (chapeau large de paille) avec un rappel à la croix, qui protège du soleil.

La bouquetière et le pêcheur en tenues traditionnelles                   source : https://www.passionprovence.org/archives/2021/03/13/38708735.html

Le groupe a d’autres costumes récurrents qui représentent l’arrière-pays niçois, le carnaval, le dérivé du costume niçois en bleu et un plus endimanché pour les chanteurs ; il existe aussi d’autres costumes faits pour les événements ponctuels.

Quant aux musiques, elles ont été modernisées dans les années 1960 avec des instruments de fanfares qui ont complété les originaux (flûte traversière, clarinette…) comme le trombone, la trompette, le saxophone, la caisse-claire et l’accordéon. Nous avons conservé un vieil instrument : la vièle.

C.C. : Depuis combien de temps faites-vous partie de ce groupe ?

Z. : J’y suis depuis 2020 donc cela fait 5 ans cette année.

C. C. : Qu’est-ce qui vous a poussée à rejoindre ce groupe à l’origine ?

Z. : Lors d’une fête des Mai des quartiers, ma famille et moi nous sommes rendus à Gairaut, nous avons mangé la socca, la pissaladière aux rythmes des chants et des danses sur scène devant nous.

Je me suis prêtée au jeu et j’ai fait une farandole avec les enfants du groupe. Cela m’a plu alors je me suis inscrite pour apprendre.

Dans ma famille, ma grand-mère montait sur les chars du carnaval, mon arrière-grand-père défilait habillé avec ses amis, son frère était un des carnavaliers qui fabriquait les grosses têtes qui étaient portées par des hommes forts et mon arrière-grand-mère cousait à la main des costumes niçois pour ses petits-enfants pour les fêtes des Mai – Lou Maï comme on dit chez nous – et des carnavals.

C. C. : Quelles sont les activités que vous effectuez quand vous êtes là-bas ?

Z. : Je fais du chant et de la danse.

C. C. : Est-ce difficile de jongler entre cette activité et vos autres obligations ?

Z. : Ce qui est le plus dur c’est d’arriver à l’heure parce que je dois traverser la ville et le trafic est souvent perturbé.

C.C. : Avez-vous des cours ?

Z. : J’ai 30 minutes de chants traditionnels et 1h pour les pas de danse en groupe et en binôme.

C. C. : Quels types de compétences développez-vous ?

Z. : Je développe la coordination des mouvements gestuels en danse, l’apprentissage des chants en niçois et leurs traductions, la comédie sur scène et la vie en communauté ( règles de vie, respect…).

C. C. : Avez-vous des répétitions régulières ou est-ce plus intense lors d’événements en période festive ?

Z. : Il nous arrive de rajouter quelques jours de répétitions en plus pour des événements particuliers.

C. C. : Comment décririez-vous l’ambiance au sein du groupe ?

Z. : Comme dans tous les groupes, je dirais ! Mais dans l’ensemble, nous nous entendons très bien, nous faisons des journées ateliers et nous nous retrouvons parfois pour faire des repas.

C. C. : J’ai vu que vous aviez participé au carnaval, quels autres projets effectuez-vous ?

Z. : Nous préparons un spectacle anniversaire pour les 100 ans de la Ciamada Nissarda cette année. Nous participons aussi souvent à des rencontres entre groupes folkloriques , soit en nous déplaçant, soit ce sont eux qui viennent. Et tous les deux ans nous faisons le festival de la farandole et tous les cinq ans nous remettons des badges de décorations pour récompenser les membres représentants du folklore niçois.

C. C. : Est-ce vous qui sollicitez la ville ou est-ce la ville qui vous sollicite ?

Z. : La ville nous demande de participer aux différentes fêtes traditionnelles qu’elle organise et d’autres entreprises privées nous demandent de venir animer un événement particulier pour faire connaître les traditions locales.

C. C. : Participez-vous à tous ces projets ?

Z. : Sauf en cas d’indisponibilité je participe à tous ces événements, oui.

C. C. : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en faisant partie de ce groupe ?

Z. : La seule difficulté que je peux rencontrer c’est quand je dois choisir entre deux événements (la Ciamada et une autre activité que je fais).

C. C. : Etes-vous fière de faire cela ?

Z. : Oui, très ! j’aime porter mon costume et je me sens fière dedans pour ce que je représente.

Zhoé en tenue traditionnelle, source : Zhoé

C. C. : Que représente pour vous la Ciamada nissarda ?

Z. : Elle représente de belles rencontres, des amitiés qui se sont formées, des adultes réconfortants et sécurisants, des gens sur qui l’on peut compter, un peu comme une grande famille.

Mais aussi de supers voyages comme des colonies de vacances pour aller montrer ce que nous faisons à d’autres groupes et échanger avec eux.

C. C. : Selon vous, pourquoi est-ce important de perpétuer cette tradition ?

Z. : Pour moi oui car c’est important de transmettre nos racines, nos valeurs, notre patrimoine historique riche et surtout pour ne pas perdre tout ça. Nous avoir besoin de savoir d’où nous venons pour avancer.

C. C. : Qu’est-ce que vous aimez le plus dans cette activité ?

Z. : J’aime apprendre de ces traditions pour les montrer à toutes les personnes qui viennent nous voir du monde entier.

C. C. : Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté, à titre personnel ?

Z. : Elle m’a apporté de supers moments, des souvenirs, des rires, des joies partagées, des voyages mais aussi je pense à mon avenir au sein du groupe et ce que j’aimerais faire dedans plus tard quand je serai adolescente et adulte.

C. C. : Pensez-vous que la jeune génération s’intéresse suffisamment à la culture niçoise et à la Ciamada Nissarda ?

Z. : Pas suffisamment à mon goût. Les jeunes manquent de motivation pour nous rejoindre.

C. C. : Enfin, un dernier mot pour décrire cette activité ?

Z. : C’est génial ! Ce n’est que de la bonne humeur !

Chiara