Parole libérée (délivrée)Romans, essais des élèves

ROUGE ET BLANC

« ROUGE ET BLANC » est une nouvelle que j’ai écrite il y a quelques temps déjà, pour le concours d’écriture du festival « Etonnants voyageurs ». C’est un concours gratuit, sur inscription pour tous les jeunes adolescents passionnés d’écriture ! Cette année-là, le thème était l’impact de l’homme sur le monde et on nous avait proposé un début de récit que l’on devait continuer. Donc, de 《Lola reposa les ciseaux…》 à《…s’efforçant de ne pas courir.》

ROUGE ET BLANC_ Partie 1

Lola reposa les ciseaux sur la table. Elle referma le journal et le plia en quatre. C’est à ce moment-là qu’elle perçut quelque chose d’anormal. Quoi ? Un détail. Juste un infime changement dans la qualité de la lumière, tel un nuage traversant le ciel. La jeune fille leva alors la tête vers la fenêtre et, de surprise, de frayeur, faillit pousser un cri. Elle demeura bouche ouverte, figée, littéralement paralysée par le regard de l’homme qui la fixait à travers les carreaux.

Un homme, vraiment ?… L’inconnu avait la carrure d’un ogre. Sa large face ronde était collée à la vitre. Insensible à la pluie qui lui plaquait les cheveux sur le front et ruisselait en gouttes épaisses le long de ses joues, il la scrutait avec des yeux de loup. Lola fut secouée d’un frisson. Ce qu’il fallait avant tout, c’était échapper à ce regard. Elle esquissa un pas à reculons, puis fit une brusque volte-face et s’éloigna en s’efforçant de ne pas courir.

Lola sortit de son bureau et ferma la porte. Elle prenait de la vitesse au fur et à mesure qu’elle traversait les longs couloirs de l’académie des sciences. Une odeur de neuf, de peinture et de pierre brute imprégnait les lieux. L’ombre de la bête la suivait, toujours plus près, se faufilait tel un serpent aux détours des couloirs. La pluie ardente s’abattait sur les vitres, l’orage grondait et rendait l’atmosphère encore plus terrible et effrayante. « Qui est cet homme, si s’en est un ? Ce chat jouant avec moi comme avec une souris, d’où vient-il ? », pensait-elle.

La jeune fille entendait ses pas lourds et lents s’approcher. Son ombre énorme se frayait un chemin à travers la nuit. Lola s’était glissée discrètement derrière la première porte venue. Comment lui échapper ? Comment avait-il réussi à rentrer ? Un coup de tonnerre retentit et Lola sursauta. La tension était énorme et l’empêchait de respirer. Une boule s’était formée dans sa gorge, son cœur battait à tout rompre et sa respiration était lourde. Une larme lui échappa, Lola aimerait être cette larme. S’échapper, fuir l’œil, fuir ce monstre.

La salle de chimie. Vide. Monsieur Joseph, qui habituellement, passe sa vie entière dans ce laboratoire était absent. Lola était seule, tout le monde dormait. Il n’y avait aucun bruit rassurant. Le feu qui crépite, le grésillement des sauterelles, son tuteur et sa voix forte, où étaient-ils ? Pouvait-on se sentir plus seule qu’en ce moment ? « Lola, n’aie pas peur ! »… comme le dit maître Joseph : « relativise et analyse ! » Ce n’est peut-être rien après tout… une simple hallucination ? Ou une bête sauvage ?

La salle du laboratoire de chimie était grande et d’un blanc de neige fraîche. Les ombres des objets se pavanaient sur le sol, un squelette d’ivoire se dressait dans le coin près du bureau et le tableau, fièrement, se tenait collé au mur face aux paillasses. Des centaines d’instruments de cuivre et de verre étaient rangés du plus petit au plus grand sur les tables, une bougie de cire était posée sur une étagère et brillait d’une lueur vacillante.

Plusieurs cachettes s’offraient à elle : sous les paillasses, dans les placards ou dans le cagibi. Où se cacher ? Son pouls s’accélérait au fur et a mesure qu’elle sentait la bête venir de plus en plus près. Tout à coup, Lola entendit un bruit… elle en était certaine, c’était le monstre ! Elle n’avait plus le temps de se cacher, et ferma le plus rapidement possible la porte à clé. Les pas se rapprochaient…. Beaucoup trop près à son goût. La jeune étudiante approcha sa bouche de la serrure, prit son courage à deux mains et lança de sa voix la plus audible :

– Monsieur, je crois, que nous devrions parler de vo…notre problème autour d’une tasse de thé. Nous sommes partis du mauvais pied… elle articula ces mots : « Du thé » ?

Aucune réponse. Elle attendit un peu. Ses mains tremblaient et un frisson glacé la parcourut de la tête aux pieds. Qu’allait-il répondre ? Savait-il au moins parler ?

Fin de la partie 1.