INTERVIEW : Tiziana Jacoponi
Depuis le début de la guerre en Ukraine plus de 2 millions de personnes ont fui le pays pour se réfugier ailleurs en Europe. La France accueille déjà plus 15000 réfugiés, majoritairement des femmes et des enfants. Les Alpes-Maritimes est le département qui voit le plus de réfugiés : l’arrivée en France se fait en voiture via le péage de la Turbie après être passés par l’Italie.
Selon la préfecture, ils seraient entre 500 et 1000 à entrer dans le département et ce, tous les jours. Tous ne demeurent pas, mais une part importante décide d’y rester. En France, l’instruction est obligatoire pour les enfants entre 6 et 16 ans. Il en est de même pour les étrangers à partir du moment où ils résident sur le territoire français. Pour nous éclairer sur la scolarisation des réfugiés ukrainiens, nous nous sommes rapprochés de Tiziana Jacoponi qui est la coordonnatrice du CASNAV
Tiziana, d’où venez-vous ?
Je suis italienne et je représente un peu la personnification du parcours d’un élève allophone. Quand nous parlons d’élèves allophones, nous parlons d’un élève étranger qui vient vivre sur le territoire français. Moi, je suis italienne, j’ai étudié le français et enseigné le français en Italie ; ensuite grâce à une loi européenne, je suis venue enseigner le français en France, j’étais donc professeur de lettres dans un collège et à partir de là j’ai passé un examen (une certification en français-langue de scolarisation) qui me donne désormais la possibilité d’enseigner auprès des élèves étrangers. Depuis le mois de septembre j’ai intégré le CASNAV.
Que veut dire CASNAV ?
CASNAV veut dire Centre Académique pour la Scolarisation de Nouveaux Arrivants Allophones et de gens du voyage.
Quel est votre rôle dans le CASNAV ?
Chaque académie en France a un CASNAV. Je suis chargée du second degré dans celui de l’académie de Nice. Mon rôle est de coordonner les inscriptions et les arrivées des élèves sur le territoire, et de leur trouver des places. Une autre des mes missions est d’organiser l’examen du Certificat de Formation Générale (CFG). Je m’occupe également de la scolarisation des jeunes entre 16 et 18 ans, et j’organise aussi des cours pour les parents.
Il paraît que le département des Alpes-Maritimes est celui qui a accueilli le plus de réfugiés ukrainiens. Savez-vous combien d’enfants ukrainiens sont arrivés à Nice depuis le début de cette guerre ?
Avant toute chose, on ne parle pas de réfugiés, on parle de déplacés ukrainiens : c’est une petite différence mais elle est importante parce que ce terme est celui qui est utilisé par le haut-commissariat des réfugiés. L’instance internationale désigne comme ‘’déplacés’’ toutes les personnes fuyant une guerre. Le statut de réfugiés est un peu différent. Depuis le début de cette guerre, sur l’académie de Nice ,environ 150 enfants déplacés, entre 6 ans et 18 ans, sont arrivés : sachant que nous accueillons 500 élèves par an, vous vous rendez compte du nombre important d’élèves qui sont arrivés.
Les parents ont-ils fait des démarches pour les scolariser ?
Oui, c’est la première demande de tout parent et, en ce moment, de tout parent ukrainien. En général, de toutes façons, c’est vraiment la toute première demande d’un parent étranger qui arrive sur le territoire français. D’ailleurs, je voudrais en profiter pour vous rappeler que l’arrivée des enfants étrangers sur le territoire français est encadrée par une circulaire qui a été publiée en 2012 détaillant les droits liés à la scolarité des enfants étrangers arrivant sur le territoire français.
Comment vont-ils être répartis dans les différents établissements scolaires ?
Il faut l’avouer, c’est vraiment un grand casse-tête donc on revient toujours à cette circulaire de 2012 qui cadre leur arrivée : tout enfant arrivé sur le territoire français a droit à une scolarisation. Le gouvernement français s’est toujours soucié de donner une instruction à tout le monde, de donner les moyens de réussir à tout le monde, et il a créé ce que nous appelons les structures UPE2A (Unité Pédagogique pour les Elèves Allophones nouvellement Arrivés).
Que sont ces structures UPE2A ?
Ce sont des unités pédagogiques qui accueillent les élèves de la 6e à la 3è. On leur offre la possibilité d’apprendre et/ou de renforcer leurs compétences en français-langue de scolarisation et ensuite on leur donne la possibilité de suivre des enseignements en classe dites ‘’ordinaires’’ c’est-à-dire les classes donc vous faites partie. Mais aujourd’hui, rendez-vous compte, nous sommes face à une situation d’urgence ! Donc que fait-on ? Que pouvons-nous faire ? On fait plus ou moins ce qu’on faisait d’habitude avec des ajustements. Les unités étant pleines partout, une nouvelle a été ouverte au collège Rolland Garros.
Seront-ils uniquement affectés dans les établissements qui ont une UPE2A ou bien faudra-t-il que tous les établissements ouvrent leurs portes ?
On demande à tous les établissements d’ouvrir leurs portes car, comme je viens de le dire, les établissements qui ont des UPE2A sont déjà à la limite de leur capacité d’accueil donc, oui, tous les établissements sont sollicités.
La mairie de Nice a déclaré mettre en place aujourd’hui lundi 21 mars des cours de français à destination des enfants ukrainiens. Ces cours seront assurés par l’association Francophonia. Cela veut-il dire que ces enfants ne vont pas intégrer d’établissement scolaire ?
C’est une nouvelle que nous avons appris par la presse vendredi, nous attendons d’y voir plus clair… Je ne peux pas vous répondre parce que nous ne savons pas ce qu’est cette initiative de la Mairie de Nice. En tout cas, nous pensons que ce n’est pas à la Mairie de Nice de répondre à une demande de scolarisation.
Des cours de français à destination des adultes, des parents, vont-ils également être mis en place ?
Des cours de français à destination des adultes existent depuis 5 ans, le réseau s’appelle OEPRE : Ouvrir l’Ecole aux Parents pour la Réussite des Enfants. Il s’adresse à tous les parents qui ne manient pas très bien le Français et qui ont envie d’apprendre la langue. Ces cours sont entièrement gratuits. La seule condition pour y accéder, c’est d’avoir un enfant inscrit à l’école, (maternelle ou élémentaire), au collège ou au lycée. Les cours pour les adultes sont dispensés aux collèges Nucéra et Maurice Jaubert et dans les écoles élémentaires Saint-Roch, Pasteur et Bon Voyage.
Quelques rappels pour terminer notre interview ?
Oui ! Les sites académiques du CASNAV sur internet délivreront toutes les informations et contacts. Il est aussi important de rappeler que toute demande de scolarisation doit être adressée par mail : scolarisation06.ukraine@ac-nice.fr Cette adresse concerne la scolarisation des enfants ukrainiens. Nous avons mis en place cette adresse unique parce que, comme je le disais, le flux est important et il a fallu les centraliser car nous étions débordés.
Je voulais revenir sur l’ouverture d’une nouvelle structure à Roland Garros. Je tiens à dire que nous demanderons à toutes les écoles d’accueillir ces élèves ukrainiens mais avec des personnes ressources qui les suivront. Elles seront formées et payées pour ce suivi.
Propos recueillis par G et M
