INTERVIEW : Nice, « non capitale de la culture » : tout est question de points de vue.
Depuis 1985, une capitale de la culture européenne est élue chaque année. Six ans avant que la ville soit choisie, les candidatures sont lancées et le jury composé de douze experts culturels désigne la ville lauréate. Cette année 2023, ce titre va donc être remis pour la capitale de 2028.
La ville de Nice a aussi candidaté mais a été vivement ravisée. Éliminée lors de la présélection, elle a été dépassée par Montpellier, Rouen et Clermont-Ferrand. Pourquoi l’a-t-on refoulée si rapidement ? La destruction du TNN, de l’Acropolis et la fermeture provisoire de la médiathèque jouent-elles un rôle important dans son élimination comme nous l’entendons souvent ?
Pour répondre à ces questions qui taraudent sûrement grand nombre de Niçois, nous avons interrogé Patrick Mottard, responsable du spectacle vivant à Nice et qui s’est investi dans la candidature de Nice. Nous sommes aussi allées chercher l’avis de deux comédiens de la compagnie niçoise B.A.L., au centre de la culture niçoise.
Interview de Patrick Mottard
Bonjour pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour je m’appelle Patrick Mottard, je suis professeur en droit et je suis chargé du spectacle vivant et du développement des nouveaux publics culturels au conseil municipal de Nice. C’est-à-dire que j’essaye d’amener le plus de monde à lire, aller au cinéma et au théâtre.
Comment avez-vous contribué et vous êtes investi pour la candidature de la ville de Nice comme capitale de la culture ?
(rires) Vous savez sans doute que Nice n’a pas été choisie… mais j’ai participé au projet qui d’ailleurs portait sur « connecter l’inattendu ». Nous voulions donc miser sur les diversités présente à Nice : la mer et la montagne, mais aussi la proximité de l’Italie et de Monaco. Selon moi le projet était vraiment intéressant et bien ficelé.
Et justement pourquoi Nice a été rapidement écartée selon vous ?
C’est triste à dire mais Nice s’est réveillée trop tard.
Les autres villes travaillaient depuis plusieurs années sur ce projet… Nous avons été pris par le temps. Nous nous étions investis dans un projet culturel qui concernait les écoles, le 100% culture. Par ce fait, nous nous y sommes pris trop tard pour la candidature.
Ensuite, nous avons aussi été pénalisés par Marseille. Marseille a remporté le titre en 2013 et cela nous a porté préjudice. Deux villes si proches l’une de l’autre ne pouvaient pas être élues capitales l’une après l’autre.
Marseille nous devance toujours, comme au foot ! (rires)
La destruction du TNN, d’Acropolis et la fermeture prochaine de la bibliothèque ont-elles joué un rôle dans son élimination ?
Non, absolument pas.
Cela est une question très pertinente car on peut être porté à se la poser. Ce concours porte cependant davantage sur les projets en cours que sur les bâtiments construits. Ainsi, Nice avait un dossier plutôt favorable.
En ce qui concerne l’Acropolis, il s’agit davantage d’un endroit à but économique, avec les nombreux congrès. Les représentations et les spectacles étaient plutôt rares. Il y avait davantage de réunions politiques.
Qu’est ce qui est maintenant prévu pour la salle de théâtre à Nice ? Et pour Acropolis ? Un nouvel emplacement a-t-il finalement été trouvé ?
Oui, il y a plusieurs salles. Il y a la Salle des Franciscains, une salle qui ressemble à une cathédrale, un vrai bijou ! Cette salle remplace la plus petite des salles du TNN. Quant à la grande salle, elle est en ce moment provisoirement remplacée par la salle « La Cuisine ». Ensuite, près de la Salle des expositions, une nouvelle salle va être construire pour la remplacer définitivement. La médiathèque va être déplacée quelques rues plus loin. L’Acropolis, lui, va être remplacé par une salle de congrès près de l’aéroport, à but politique et économique. L’emplacement est stratégique, car ainsi les hommes politiques pourraient arriver rapidement de l’aéroport et puis repartir directement.
Ainsi il y aura bien assez de salles de spectacle, le problème sera de les remplir ! (rires)
Qu’est-ce que la destruction du théâtre, de l’Acropolis et de la médiathèque a-t-elle apporté à la ville ?
Je pense que la déconstruction de ces bâtiments a des aspects positifs et des aspects moins positifs.
La déconstruction du théâtre et de l’Acropolis était prévue par Christian Estrosi dans son programme électoral. Cela a pour intérêt d’agrandir et d’étendre la coulée verte. De plus, les salles sont remplacées par des très belles salles tels que la Salle des Franciscains. Ce sera donc bien meilleur après qu’avant.
L’aspect négatif, c’est qu’il faut passer par une période de transition qui sera forcement moins agréable.
Quelle est pour vous une capitale de la culture idéale ?
Pour moi ce serait une ville qui apporte a l’Europe quelque chose en plus, car l’Europe c’est la diversité. Ce serait une ville qui représente l’Europe. D’ailleurs, notre projet se situait en plein dans cette recherche d’innovation. Toues les villes qui concourent pour devenir la capitale de la culture tentent d’apporter de l’innovation en se basant souvent sur les avantages de leur territoire, comme nous l’avons fait aussi. Cela est ma perception, cependant, chacun définit la ville de la culture à sa façon.
Merci pour votre participation !
Interview des comédiens (Elise Clary et Thierry Vincent) de la compagnie BAL
Pour vous, la candidature de Nice pour la capitale de la culture est une aberration ?
Oh oui ! En détruisant deux lieus culturels comme le théâtre de Nice et Acropolis, dans une ville de 343 000 habitants, il n’y a plus aucun salle de spectacle dépassant 300 places alors qu’il y avait plus de 2400 places dans la salle Apollon et 1200 places dans le TNN !
Une Aberration !
De plus à Nice il y a une politique événementielle et non culturelle, c’est-à-dire que Nice est une ville touristique plus que culturelle, il n’y a pas de ligne culturelle. Nice ville culturelle ? Aucun théâtre au monde n’a été détruit sauf en temps de guerre !
Vous vous rendez compte ?! Une ville culturelle avec les bibliothèque qui sont ouvertes de 14 h à 18h, et qui va être fermée ? Toute la zone de lecture de travail va être détruite. Sachant que dans les villes de France, dans des villes bien plus petites que Nice, les bibliothèque sont ouvertes de 10 h à 22h. Sans parler de Paris où elles sont ouvertes toute la nuit.
Ce n’est pas en détruisant des théâtres et des salles de spectacles et en fermant des bibliothèque qu’ils vont faire de Nice la capitale de la culture !
D’après vous pourquoi Nice n’a pas été acceptée comme capitale de la culture européenne ?
«Eh bien…Il y a beaucoup de villes en Europe ! (rires)
Il y a des villes plus petites que Nice comme Clermont-Ferrand qui donnent vraiment dans la culture, et qui méritent d’être remarquées ! Et puis la culture à Nice c’est assez tumultueux en ce moment ! Avec la destruction du théâtre … »
Pour vous, que devrait composer une capitale de la culture ?
Selon moi, être élue capitale de la culture c’est une récompense à une ville qui s’est investie dans la culture pendant de nombreuses années, pas une ville qui, à un moment, a fait quelque chose d’exceptionnel.
Et comment la culture trouve-t-elle sa place à Nice ?
Grâce a de nombreuses personnes qui sont investies dans la culture : des élèves, des jeunes, des artistes…
Nous avons un grand passé et un présent combatif !
Que pensez-vous de la fermeture, enfin de la destruction du théâtre ?
Eh bien tout le monde est choqué, voir un théâtre exploser littéralement…
Personnellement, je réagis de façon émotionnelle et sentimentale. La seule chose qui peut me rassurer c’est qu’on bâtit un autre théâtre… Pour faire oublier ce moment douloureux ! »
Remercements à Elise Clary , Thierry Vincent et Patrick Mottard pour leur disponibilité.
Louise et Lisa