Interview : L’influence des quartiers dits « défavorisés » sur les jeunes niçois

                                                                                                                      

Notre rédaction s’est penchée cette semaine sur un sujet sensible, difficile à aborder, qui fait polémique. Dans une ville de Nice où l’empreinte Front National reste forte, il nous a semblé intéressant d’interroger la jeunesse et le milieu enseignant sur ce sujet délicat : peut-on dire que les jeunes des quartiers dits « défavorisés » ont aujourd’hui un impact sur la jeunesse niçoise ?

Image Fondation Don Bosco, Nice.

La mixité sociale est aujourd’hui une priorité pour l’école de la république, encore faut-il comprendre ce que l’expression implique, notamment dans notre région et dans notre ville. Nous avons voulu aborder ce sujet avec franchise et sans tabou en interrogeant le corps enseignant et les jeunes niçois sur l’influence des quartiers défavorisés ! En effet, parler de mixité sociale c’est aussi parler du problème des banlieues.

Nous nous sommes rendus dans un établissement de Nice, le collège lycée Don Bosco, pour mener une enquête, son chef d’établissement, monsieur Chastang a répondu sincèrement à nos questions quand de nombreux enseignants ont préféré garder l’anonymat face à ce sujet qui dérange. Nos difficultés pour recueillir des témoignages clairs reflètent les tensions qu’impliquent ce sujet. L’expression même de « quartiers défavorisés » a engendré des tensions lorsque nous avons interrogé les jeunes lycéens sur ce thème. Sur une vingtaine d’enseignants interrogés, 59% pensent que les quartiers défavorisés influent sur une jeunesse niçoise plus préservée. 53% des élèves interrogés parmi une cinquantaine sont du même avis. Beaucoup ont donné des réponses mitigées, parfois gênées.

Nous préférons retenir de notre enquête le témoignage de monsieur Chastang dont nous avons réalisé l’interview, un chef d’établissement qui n’a pas peur des mots et revendique une école ouverte : « si on réussit la mixité sociale à l’école, on la réussira dans la société ».

 

Regard d’un chef d’établissement, Bernard Chastang, sur la mixité sociale :

« La mixité c’est pas un pourcentage de fils à papa d’un côté et d’enfants défavorisés de l’autre, c’est une richesse mutuelle ».

Depuis combien de temps êtes-vous chef d’établissement ?

J’ai commencé à enseigner en […] 1979 et j’ai commencé dans ce que vous appelez vous les jeunes le 93. Je suis arrivé ici en 1995 et je suis chef d’établissement depuis 1999, j’avais dit que je ne resterais que 7 ans (rire).

Trouvez-vous que l’attitude des jeunes a changé depuis que vous êtes dans l’éducation nationale ?

Ce qui a changé je crois c’est notre société, ce ne sont pas les jeunes, les jeunes sont le fruit de la société, il y a eu effet miroir. J’ai toujours le même regard sur les jeunes je vois toujours les mêmes richesses chez eux.

Pensez-vous que les quartiers défavorisés impactent les jeunes ?

Bien-sûr, ne serait-ce qu’à partir du moment ou un jeune n’ose pas dire où il habite : « qu’est-ce qu’ils vont penser les copains ? ». Ça a bien-sûr une influence, puisque quand quelqu’un vient solliciter un jeune, il lui demande d’abord « Où habites-tu ? ».

Est-ce qu’à Don Bosco il y a des jeunes des quartiers dits « défavorisés », est ce que l’on peut parler de mixité sociale ?

Je crois, je m’y suis employé depuis 1999, pour qu’il y ait mixité sociale, il faut que les deux extrêmes se rencontrent. […] d’un côté il faut accueillir des jeunes en particulier de quartiers dits « défavorisés » avec une très grande pauvreté culturelle, il faut le dire, il y a des parents qui ne parlent pas français, qui ne savent pas lire. De l’autre côté, j’ai voulu que les gens qui vivent dans des quartiers aisés viennent aussi à Don Bosco […] aujourd’hui, il y a des gens de milieux aisés qui ont découvert que la mixité sociale était importante. Nous avons une maman qui est commandant de bord, nous avons un papa qui est un éminent professeur de médecine […] La mixité sociale c’est un regard dans l’éducation qu’on donne à ses enfants […] Bien sûr, on veut la meilleure école mais si on réussit la mixité sociale à l’école, on la réussira dans la société. […] Si on a eu un regard positif sur celui qui a eu moins de chance que soit, si on a appris à côtoyer un jeune handicapé en classe, on fera la même chose dans la société. La mixité c’est pas un pourcentage de fils à papa d’un côté et d’enfants défavorisés de l’autre, c’est une richesse mutuelle.

 

Théo, Anthony, Lucas.L et Lucas.T 2MATP