ÉcologieEnvironnementLocalPlanèteSciences

SYNTHESE : Les stations de ski face au réchauffement climatique, le cas de Turini

Depuis plusieurs années, les stations de ski des Alpes sont confrontées à un défi : celui du changement climatique responsable d’une hausse des températures et donc d’une réduction de l’enneigement à plus basse altitude. Pour comprendre les enjeux auxquels sont confrontés ces stations, nous nous sommes intéressés à la petite station de Turini Camp d’Argent, situé à 1607 mètres d’altitude, dans le Mercantour.


Selon Nicolas Viaux, maître de conférences, géographe-climatologue à l’Université Côte d’Azur, si donner la date précise à laquelle l’activité économique liée à la neige ne pourra plus subsister est quasiment impossible, « on peut envisager qu’avec la vitesse de l’évolution des températures actuellement, et avec des concentrations de gaz à effet de serre qui continuent d’augmenter très rapidement, la survie de ces stations n’excèdera probablement pas les années 2040-2045 ». Une estimation qu’il invite à prendre avec prudence, bien qu’elle corresponde à celles présentées sur le site de National Geographic selon lesquelles les stations de ski des Alpes situées à moins de 1200 mètres d’altitude ne pourront plus fonctionner sans neige artificielle d’ici 2050.

Nicolas Viaux explique que les projections climatiques pour les décennies à venir dans la région laissent penser que la température continuera d’augmenter pour l’ensemble des mois de l’année, « le signal climatique calculé par les modèles climatiques est clair et sans ambiguïté » dit-il, mais, il précise que « l’évolution des précipitations n’est pas correctement modélisée donc il est bien plus hasardeux de se prononcer avec autant de certitude que pour les températures : comme nous l’observons récemment, des années très sèches et très humides peuvent se suivre », en effet, il a plus plu depuis le début de l’année 2024 que durant l’ensemble de l’année 2023. « Ainsi, concernant l’enneigement des Alpes du sud, il est très probable que la limite pluie neige ne cesse de remonter dans les décennies à venir sans pouvoir se prononcer nécessairement sur l’épaisseur du manteau neigeux lorsqu’il sera présent. » Selon notre climatologue, si les stations de basse et moyenne altitude des Alpes du sud rencontreront « de très fortes contraintes dans les années à venir », la station de Camp d’Argent sera plus « protégée » car située plus loin du littoral méditerranéen, mais là comme ailleurs, la limite basse du manteau neigeux remontera.

Depuis trois semaines (nous écrivons cet article le 18 mars), des masses d’air plus froid associé à de fortes précipitations ont favorisé un très bon enneigement pour l’ensemble des stations de ski du département, mais, nous dit Nicolas Viaux, c’est un peu « l’arbre qui cache la forêt », car, ajoute-t-il, « en réalité il s’agit de la première année depuis le début de l’ère des mesures météorologiques où un si grand nombre de chute de pluie a été observé à si haute altitude dans les Alpes du sud. » Cette année, l’enneigement a été très tardif et « quand bien même un enneigement tardif se produirait chaque année cela voudrait dire que l’activité économique des stations aux plus basses altitudes ne commencerait que pour les vacances d’hiver pour deux semaines intenses, puis pour la fin de saison jusqu’à fin mars début avril… dur à gérer j’imagine pour les professionnels du secteur », conclue-t-il.

C’est ce que confirme Jean-Marie Segapelli, chef de la sécurité des pistes de la station de Turini-Camp d’Argent que nous avons joint : « depuis quelques années, chaque saison, les conditions d’enneigement sont changeantes et décalées, ce qui pose problème pour une petite station comme celle de Turini qui n’utilise pas de canons à neige » explique-t-il. L’industrie du ski qui a longtemps été un pilier de l’économie locale et une source de plaisir pour les amateurs de sports d’hiver, est désormais confrontée à un défi auquel elle doit répondre rapidement. « Nous réfléchissons à la création d’une retenue d’eau grâce aux nappes phréatiques, afin de maintenir les activités hivernales en l’absence de neige », dit le pisteur en chef, mais encore faut-il que les nappes phréatiques le permettent. Pour s’adapter, ces stations qui dépendent largement des revenus générés pendant la saison hivernale pour maintenir leurs infrastructures et soutenir les économies locales, devront diversifier leurs activités et investir dans des infrastructures de loisirs estivales telles que le VTT ou l’escalade, à Turini, « les visiteurs seront encouragés à faire des randonnées pédestres en cas de manque de neige » précise Jean-Marie Segapelli, mais précise-t-il, « les conséquences économiques de ces changements sont significatives. »

Rester rentables pour ces stations demeure un défi, il est crucial que gouvernement, entreprises et communautés locales collaborent pour trouver des solutions durables qui préservent à la fois l’industrie du ski et les écosystèmes montagneux, souvent fragiles.

Alexandre L., Youssef G., Jules C.M., Manuel B.