SYNTHESE : Bassinés des bassines !
Ce week-end, des manifestations opposant environ 30 000 partisans anti-bassines et les forces de l’ordre, prenant la forme d’un véritable affrontement, ont eu lieu.
Mais pourquoi les bassines sont-elles source de conflit ?
Précisons de quoi nous parlons…
Une bassine est un réservoir d’eau de rivière/nappes phréatiques privatisé par de grands agriculteurs pour irriguer leurs exploitations.

Le sujet étant posé, pour comprendre tous les enjeux et avant de vous forger une opinion, il est nécessaire de prendre en compte 3 grands avis :
L ’avis des « grands » agriculteurs :
Certains producteurs favorisent une agriculture intensive destinée à être exportée. Les plantes comme les humains ont besoin d’eau pour leur survie, pour qu’elle nous donnent de belles céréales et des gros fruits même durant les sécheresses.
Le stockage et l’irrigation sont donc apparus comme la solution ! Le principe est simple : retenir l’eau quand elle est abondante en hiver avec des barrages ou en creusant des réservoirs que l’on remplit en pompant les nappes ou les rivières.
Pour la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitations Agricoles) le stockage de l’eau est « un enjeu d’intérêt général pour garantir la pérennité de l’agriculture française et de son industrie agroalimentaire ».
Ainsi, dans les départements arboricoles et maïsicoles, « l’irrigation permet d’assurer un rendement et une qualité de production permettant à l’agriculteur de sécuriser son revenu », comme l’indiquait le Syndicat départemental des collectivités irrigantes du Lot-et-Garonne (SDCI 47), porteur du très controversé barrage de Caussade.
L’avis des scientifiques :
Capter l’eau l’hiver suppose qu’il y ait suffisamment d’eau en hiver ! Or c’est de moins en moins le cas car « les vagues de chaleur et de sécheresse sans précédent en France seront de plus en plus fréquentes », expliquait l’hydroclimatologue Florence Habets en 2019.
L’année 2022 a enduré une sécheresse sans précédent.
Cultures et écosystèmes n’ont dû leur salut qu’aux pluies tombées en abondance en 2021.
Mais que se passera-t-il si la sécheresse se prolonge l’année prochaine ? « En France, d’ici trente ans, on pourrait connaître des sécheresses du sol 50 % plus longues qu’aujourd’hui », rappelle la géographe Magali Reghezza sur Twitter.
D’après les premières mesures faites détaillées sur le fil Twitter de « Terre à terre », les retenues sont relativement efficaces pour pallier les épisodes secs, quand ils sont de courte durée. Mais « en cas de sécheresse longue, les bassines vont permettre de maintenir les usages sur la première, voire les premières années, au prix de prélèvements conséquents dans les nappes », précise Mme Reghezza. Elles ne serviront plus à rien si l’eau se raréfie sur plusieurs années, ce qui risque d’être le cas.
« Faire un barrage pour “stocker le surplus en hiver” signifie empêcher l’eau de s’infiltrer dans les sols, rappelait également le chercheur Christian Amblard dans un entretien à Reporterre. Or, sous la terre, cette ressource humidifie efficacement la totalité des sols ! » À l’inverse, en la pompant et en la gardant dans une retenue, on perd une grande quantité de l’eau par évaporation, notamment lors des fortes chaleurs. Des études récentes montrent que les pertes par évaporation sur les lacs de l’Ouest américain varient de 20 à 60 % des flux entrants.
L’avis des plus petits producteurs et associations écologistes :
Tous les agriculteurs n’irriguent pas. Seules 7,3 % des surfaces agricoles étaient arrosées en France en 2020, ces chiffres ne cessent de croître. Vu la raréfaction de la ressource en eau, il paraît difficile aujourd’hui d’envisager un développement à large échelle de l’irrigation : « Ce n’est pas une solution généralisable », expliquait le chercheur Jean-Marc Touzard à propos de la viticulture. Les mégabassines ne font donc pas l’unanimité parmi les paysans.
La Confédération paysanne a ainsi participé aux manifestations et démontages de réservoirs dans les Deux-Sèvres, comme celle du 6 novembre 2021.
Pour le porte-parole de la Confédération paysanne, Nicolas Girod, « ces mégabassines sont un accélérateur du modèle agro-industriel qui nous emmène tous dans le mur ». Autrement dit, elles ne bénéficient « qu’à une poignée de maïsiculteurs irrigants ».
C’est également l’avis de Julien Le Guet, porte-parole du collectif « Bassines non merci » : l’eau pompée dans la nappe par les irrigants « est une réserve qui appartient à tout le monde, insiste-t-il. L’article 714 du code civil stipule qu’« il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous.»
« Protégée de la chaleur et déjà partiellement filtrée par le calcaire et le couvert végétal de surface, elle est moins polluée que l’eau des rivières qui subit de plein fouet les nitrates, les pesticides…» Au lieu de cela, « elle est captée, privatisée et accaparée au profit de quelques grosses fermes ayant recours à l’irrigation massive ».
Voler l’eau est un crime.
Maxence Antonini et Noël Lanteri-Thauvin