
Actuellement, au lycée Thierry Maulnier, se déroulent des conférences dans le cadre du programme de géopolitique Faire la guerre, Faire la paix, lors desquelles des spécialistes (historien, professeur de sciences politiques, journaliste ou caricaturiste) partagent avec nous leur savoir. Après Gilles Kepel, c’est le dessinateur Michel Kichka que nous rencontrons.
Au travers de cet article, vous aurez vous aussi l’opportunité d’en connaître davantage sur la personnalité qu’est Kichka, sa façon de percevoir le monde, son opinion quant à la liberté d’expression et la manière dont il utilise la caricature pour dénoncer des faits sociétaux…
MICHEL KICHKA ET SES CARICATURES
Fils d’Henri Kichka, survivant belge des camps d’extermination nazis, Michel Kichka est l’un des plus grands caricaturistes israéliens, membre de l’association « Cartooning for Peace ».
Fait Chevalier des Arts et des Lettres en 2011, il est l’auteur de bandes dessinées et de nombreuses caricatures, dont celle-ci, qui illustre le Coup de Gueule du 17 octobre de L.V. :

CARICATURES ET CRITIQUES DU POUVOIR
Nous n’avons pas pu rencontrer Kichka en personne, mais nous avons eu l’honneur de le découvrir en distanciel, ce qui a été tout autant enrichissant. Toute son analyse s’est appuyée sur des caricatures. Quelques unes nous étaient familières, d’autres inconnues, mais toutes étaient splendides, de par leur beauté esthétique, et d’autre part, par le message qu’elles incarnent. Ce sont de réelles œuvres d’art. Plus que cela même : des chefs d’oeuvre.
Il débute en nous présentant ce qu’est le dessin de presse et l’usage qu’on en faisait au XIXe siècle. En effet, à l’époque, la caricature était un bon moyen d’information, tout le monde ne sachant pas lire. Il illustre ses propos en nous en exposant une : Les Poires de Honoré Daumier, réalisée en 1831.
Les Poires.
Cette caricature s’inscrit dans un contexte particulier. Louis Philippe, devenu roi en 1830, met en place un régime parlementaire, dans lequel le peuple élit un parti, et le roi doit choisir des individus de ce parti qui deviendront ses ministres. S’il baisse le cens de manière à ce que davantage de français puissent voter, il est rapidement vu comme étant une personne méprisant la misère de la populace en ne s’intéressant pas aux questions sociales. Dès lors, le roi sera caricaturé en personne grasse et bourgeoise, défendant seulement le riche peuple.
Michel Kichka a d’ailleurs fait une caricature en se référant à celle-ci, dénonçant le régime mené par des dirigeants politiques à savoir : Donald Trump, Vladimir Poutine, Bachar al-Assad et Recep Tayyip Erdogan.

Les Pires.
Michel Kichka poursuit en nous expliquant, que si autrefois le métier de caricaturiste était risqué, il l’est encore aujourd’hui dans certains pays où des dessinateurs sont emprisonnés ou menacés.
On le voit aussi en France, avec l’attentat islamiste perpétré contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, preuve d’intolérance envers certaines caricatures. Il nous dit rendre hommage aux dessinateurs qui sont morts lors de ce massacre, chaque mois de janvier depuis lors, car pour lui : « Charlie Hebdo, c’est le 11 septembre de la France ».
CARTOONING FOR PEACE
Michel Kichka, caricaturiste ayant rejoint l’association « Cartooning for Peace », nous dit que de nombreuses nationalités s’y trouvent. Cette association est un mouvement de dessinateurs engagés qui combattent pour le respect des libertés avec humour. Kichka nous explique que notre manière de concevoir la liberté d’expression dépend du pays dans lequel nous avons grandi, de l’éducation que nous avons eue et de la culture dans laquelle nous évoluons. Selon lui : « l’ignorance produit la haine et la haine produit la violence ». De la sorte, il met en avant le rôle éducatif du dessin, qui permet d’être informé et de libérer les esprits. Néanmoins, bien que les membres de l’association soient tous différents, il ajoute que l’attentat de Charlie Hebdo a mis tout le monde d’accord et a indigné chaque dessinateur sans exception.

LES LIMITES DU DESSIN DE PRESSE
Michel Kichka termine en nous expliquant que, de nos jours, il faut se battre pour conquérir l’espace de la liberté. Au travers de ses caricatures, il souhaite « désapprendre l’intolérance » : selon lui, « il faut déranger ». Il nous dit, tout de même, qu’« il est important de fixer des limites », suite à quoi je lui demande : « Comment pouvons-nous fixer des limites ? Sur quels critères ? Comment savoir ce qui est attaquable ou ce qu’il ne l’est pas ? Quels sont les paramètres à respecter pour à la fois pouvoir rire de tout sans pour autant se heurter aux idées d’autrui ? ». Il m’explique qu’il est important de doser notre humour et ironie, afin de ne pas blesser, mais que c’est toujours très délicat à faire. La loi reste le cadre de référence.
QUELQUES CARICATURES
La prise du Capitole dénoncée par Kichka au travers de cette caricature :

Le décapitole.
Je vous invite à lire mon article qui s’intitule L’Assaut Du QApitole.

La vision du Monde.
MERCI MICHEL KICHKA !
Moon
Pour en savoir plus…
Le site de l’association Cartooning for peace
L’interview de Michel Kichka : un entretien de 44 minutes, à l’occasion de sa venue au lycée Thierry Maulnier le 9 mai 2019.
Le 9 mai 2019, Michel Kichka est intervenu au lycée Thierry Maulnier à Nice dans le cadre de la Semaine de la Mémoire et de la Recherche pour parler de sa bande dessinée Deuxième Génération. La classe médias en a profité pour l’inviter à parler de son métier de dessinateur de presse et de son engagement dans l’association Cartooning for Peace. L’interview qu’a ensuite menée Louna s’est transformée en conversation avec cet artiste généreux et passionné. Écouter leurs échanges où il est question de processus de création, du rôle de l’éditeur, de la liberté d’expression, des réseaux sociaux mais aussi de son attachement à Israël, de la diversité de ses activités professionnelles, de ses voyages, de son amitié avec plusieurs dessinateurs de presse… Un long entretien où Michel Kichka nous incite aussi à lever les tabous et les non-dits familiaux.