01 – L’Education Sentimentale | Gustave Flaubert [A]

Chronique littéraire initialement publiée en mai 2020 sur Radio Thierry Maulnier à écouter également ici: 

01 – L’Education Sentimentale | Gustave Flaubert

Oyez, Oyez, cher lecteur, chère lectrice, amoureux des mots ou brebis égarée, je te souhaite la bienvenue sur cette première édition de Libri Chronique !
Aujourd’hui je vais te parler d’un classique de la littérature française, œuvre d’un écrivain majeur que — bien sûr — tu connais : il s’agit de Gustave Flaubert. Flaubert, illustre figure littéraire, écrivain réaliste du XIXème siècle, rédige en trois ans l’une de ses œuvres les plus fameuses, mi-figue mi-raisin entre la psychologie de Stendhal et le naturalisme de Zola et Maupassant, inspirée par l’œuvre d’Honoré de Balzac, décriée d’abord, mais louée aujourd’hui : évidemment, je parle de l’Education Sentimentale, paru en 1869.

L’Education Sentimentale, véritable roman d’apprentissage, raconte l’histoire de Frédéric Moreau, un jeune provincial de 18 ans, qui rencontre à Paris, où il vient faire ses étude, une femme qui marquera profondément sa vie : cette femme, c’est Marie Arnoux, une créature magnifique et douce, épouse d’un riche marchand d’art, dont Frédéric tombe éperdument amoureux dès le
premier instant. Le jeune homme, mièvre mais non moins brillant et rêveur, évolue et grandit dans la tourmente de ses amitiés indéfectibles, de l’art, de l’ambition et de la politique incertaine ; « tournant dans son désir comme un prisonnier dans son cachot », en proie à sa passion vaine et sans avenir pour Mme Arnoux, et dont l’éducation sentimentale, au fil des années et des rencontres, des départs et des retrouvailles, brûlera peu à peu ses illusions, comme un papillon volant trop près d’une flamme, et qui finit, inévitablement, par s’y laisser consumé…
La force de ce roman réside en deux choses : la première, qui peut paraître anecdotique, s’inscrivant néanmoins dans la genèse même de l’œuvre, est sa dimension autobiographique ; il y a de l’auteur en Frédéric. En effet, à travers le personnage de Mme Arnoux, Flaubert parle d’une femme qu’il a lui même rencontrée lorsqu’il avait quinze ans, tandis qu’elle en avait presque le double, et qui, loin d’être l’apparat d’une simple et innocente passion adolescente, est devenue son égérie, l’un de ses amours les plus inconditionnels, en dépit des autres relations tumultueuses, et connues, de sa vie. Cette femme, qu’il n’a, comme Frédéric, jamais vraiment pu posséder parce qu’elle était mariée, a laissé son emprunte sur Flaubert, l’a marqué si profondément qu’on la retrouve dans nombre de ses personnages : elle s’appelait Elisa Schlésinger, et ce sont ses initiales, E.S, que l’on retrouve dans le titre du roman…
La seconde force, et pas des moindres, de l’Education Sentimentale, est son expression même ; Flaubert dépeint chaque chose avec une prose dotée d’un réalisme minutieux, embellie par sa richesse et par la beauté du style ; car Flaubert disait, je cite « J’estime par dessus-tout d’abord le style, ensuite le vrai ». Je ne saurais décrire l’emportement qui saisit parfois, au détour d’une page, à la lecture de cette œuvre ; la beauté des descriptions et la pureté de cette poésie, peut-être involontaire, la véracité foudroyante des personnages en lesquels on se reconnaît autant que l’on reconnaît les mœurs de l’époque et ses stéréotypes ; je ne compte plus les rebondissements qui m’ont fait m’arracher les cheveux de frustration, crier d’indignation et soupirer de contentement en me disant « ça, c’est de la plume ! » ; tout cela en évoquant à peine, pour ne point gâcher ta lecture, une fin aussi sublimée qu’elle devient tragique et désirée au yeux de l’absorbé entre les lignes…

L’Education Sentimentale, me demanderas-tu, lecteur zélé ? Oui, et sans modération ; pour t’enrichir l’esprit et… la sensibilité.

~ générique.