Chronique littéraire initialement publiée en mai 2020 sur Radio Thierry Maulnier à écouter également ici:
02 – Les liaisons dangereuses | Choderlos De Laclos
Oyez, Oyez, cher lecteur, chère lectrice, amoureux des mots ou brebis égarée, je te souhaite la bienvenue sur cette nouvelle édition de Libri Chronique !
Aujourd’hui nous nous aventurons sur les chemins sinueux des passions coupables et condamnées, du vice et de la luxure, de la vertu la plus pieuse sacrifiée sur l’autel des plaisirs et des amours proscrit du jeu et du défi ; le libertinage dans son essence même. Aujourd’hui je te parle de l’une des œuvres littéraire les plus majeures et scandaleuses du XVIIIème siècle, tombée dans un oubli quasi total pendant le XIXème, redécouverte au XXème, suscitant admiration autant que blâme et critique, et aujourd’hui faisant figure de véritable chef d’œuvre de la littérature française ; une trame épistolaire historique dont tu as forcément entendu parler, il s’agit des Liaisons Dangereuses, de Pierre Choderlos de Laclos.
Soldat avant d’être écrivain, De Laclos, faute de guerre, s’ennuie, et sa carrière militaire piétine ; s’il a produit quelques écrits au cours de sa vie qui n’ont pas fait parler, la transition vers la renommée qu’on lui connaît aujourd’hui s’opère lorsqu’il entame, en 1778, la rédaction du roman qui le fera entrer dans l’Histoire des Lettres, et qu’il achève en 1782. La parution des Liaisons Dangereuses est un succès extraordinaire, et elle attise l’intérêt du public et la fascination, tout autant qu’elle soulève l’indignation de la noblesse, qui se sent décriée ; car les Liaisons Dangereuses, ce sont avant tout une fresque des mœurs décadents et des valeurs morales de l’époque, chez des personnages qui n’ont de noble que l’ascendance.
L’histoire démarre à Paris, et le lecteur fasciné découvre la correspondance entre Valmont, libertin invétéré qui ne vit que pour la conquête, la puissance et la domination ; Valmont qui veut conquérir les corps et les âmes ; et la Marquise de Merteuil, une libertine tout comme lui, d’une intelligence redoutable et qui cache derrière sa vertu de société une nature vampiresque.
Valmont et Merteuil, machiavéliques, ancients amants et complices dans un jeu de séduction et de perversion morale, se défient. Merteuil décide mener la danse : Valmont, s’il la veut, elle, la seule femme qui lui ait tenu tête et qu’il n’a jamais pu posséder, devra corrompre une femme d’une vertu inconditionnelle, la Présidente de Tourvel. Et si le séducteur parvient à ce qui parait impossible, à faire tomber Mme De Tourvel dans ses filets, Merteuil s’offrira à lui. Mais de nombreux personnages viennent s’immiscer dans la valse sulfureuse de Valmont et Merteuil, des désirs de vengeance et de divertissements, si bien qu’à mesure que le temps passe et que les incidents se succèdent, les deux libertins s’enfoncent dans leur spirale autodestructrice, et le duel se transforme en guerre, semant la discorde autour d’eux… et finissant, inévitablement, par causer leur perte.
Si Les Liaisons Dangereuses sont aussi exceptionnelles, ce n’est pas dû au hasard : le roman entremêle les intrigues et les lettres de tous les personnages, qui passent tour à tour sur le devant de la scène, avec une efficacité minutieuse, tandis que le lecteur, qui est au courant de toutes les machinations, de tous les plans, de toutes les vérités qui se cachent et se révèlent, assiste au déchaînement de ce petit monde corrompu. Toi, lecteur, est le centre même de l’intrigue ; aux opinions en constant changement, plein d’hypothèses et de déductions…
Les Liaisons Dangereuses sont d’une incomparable richesse ; et je ne saurais dire quelle exaltation j’ai ressenti en assistant aux joutes de Valmont et Merteuil, ces deux personnages d’une profondeur sublime et d’une complexité magnétique ; des personnages comme j’en ai rarement vu ; et la surprise qui saisit face aux déchirements, l’admiration que suscite la ferveur de Mme De Tourvel, la pureté entachée de la jeune Cécile de Volanges, la poésie et la beauté amoureuse des lettres des amants multiples… en somme, la virtuosité impérieuse de toute l’œuvre. Les Liaisons dangereuses, symbole des morts suivies ; mort sociale, trépas de l’amour, souffle ultime des protagonistes, dans cette course effrénée…
Les Liaisons Dangereuses, me demanderas-tu, lecteur zélé ? Ô, Oui ; À dévorer pour le plaisir des yeux… et de l’imagination.
~ générique.